En quelques traits

Toute petite déjà je dessinais et le dessin me passionne toujours. Je suis réellement touchée par son «écriture». Dès les premiers traits posés sur le papier, je ressens cette épiphanie, qui avec un minimum de moyen et sans fioriture, dévoile la part d’indicible de son auteur.

J’aime dessiner face au paysage. Je n’ai pas reconnu tout de suite la nécessité de cette confrontation. Elle s’est imposée peu à peu, comme l’acceptation d’un exercice spirituel.

Cette contemplation quotidienne, me demande à la fois rigueur et lâcher prise.

Alors depuis plusieurs années, je poursuis et traduit, à l’encre de Chine, le ravissement du monde, son enchantement simple, source d’une inépuisable inspiration.

J’aime saisir le grondement profond d’une ombre, la volute diaphane d’une courbe, ce vide plein ou bien encore le pincement aiguë d’un silence… Tout ce qui m’interpelle, m’éblouit et me transit jusque sur le papier en quelques traits et taches de couleur. Instants suspendus, moments privilégiés où il me semble ne faire qu’une avec la Nature.

Je ne dessine plus le paysage. Je rends compte de mon expérience intérieure. Le trait, mon écriture, reflète l’écho sensible né de la communion avec la beauté invisible et palpitante de l’univers.

Plus tard, dans le recueillement de l’atelier, je reprends les esquisses de cette rencontre primordiale. Un dialogue peut naître, en grand format, sur papier ou sur toile. Cette prise de recul me permet de reconsidérer sous des angles différents ce que j’ai produit. Je découvre des formes, des visuels, j’agrandis, découpe, étire ou rétrécit. J’explore cette matière jusqu’à l’abstraction, jusqu’à l’invisible. Je reconstruis le paysage pour tenter d’en éclairer le mystère intérieur.

Je pratique le dessin, l’encre, l’aquarelle, la peinture. J’ai fait mien l’adage du peintre chinois Chang Tsao du VIII ème siècle : « Au-dehors, prendre modèle sur la Création; à l’intérieur, suivre la source de l’âme ».